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30 septembre 2020 Vol. 13 No 20

Les dommages résultant de la perte de l’ouvrage : une récente décision de la Cour d’appel du Québec

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Le 31 août 2020, la Cour d’appel a maintenu la décision du tribunal de première instance confirmant l’exonération de responsabilité de l’entrepreneur général dans l’effondrement partiel d’un talus[1]. Elle retient la responsabilité de Dessau inc. pour toutes les dépenses engagées dans la conception et la réalisation de l’ouvrage même s’il y a eu perte partielle de l’ouvrage.

La Ville de Lorraine a confié à Dessau. la tâche d’analyser les sols sur lesquels elle envisageait de construire un écran antibruit le long d’une autoroute. Il devait s’agir d’un talus en remblai renforcé avec un parement végétal dont le coût de construction serait partagé avec le Ministère des Transports du Québec (MTQ). Dessau a conclu que les sols devraient être excavés et remblayés par des matériaux ayant une capacité portante supérieure, ce qui rendrait le projet plus onéreux. La Ville a décidé d’utiliser une autre méthode proposée par le MTQ à partir des données provenant d’une caractérisation des sols faite par Dessau et qui ne nécessitait pas d’excavation. Dessau a conçu les plans et devis, puis les travaux ont été confiés à Asphalte Desjardins inc. Or, en cours de travaux, une partie du talus s’est effondrée. La Ville a suspendu les travaux.

Sans avoir déterminé les causes de l’effondrement, Dessau a proposé des options afin de poursuivre les travaux, mais la Ville devait en supporter le coût. Celle-ci a refusé et a insisté pour que les causes de l’effondrement soient déterminées. Imputant une part de responsabilité à Asphalte Desjardins, elle a retenu une somme qui lui était due. Après avoir déterminé par expertises les causes de l’effondrement, l’expert d’Asphalte Desjardins et celui de la Ville ont conclu qu’il était attribuable à un vice de conception causé par une instabilité générale du mur antibruit.

Asphalte Desjardins a poursuivi la Ville pour obtenir le paiement du solde contractuel. La Ville a appelé Dessau en garantie en plus de réclamer des dommages-intérêts à cette dernière ainsi qu’à Asphalte Desjardins et aux cautions pour le retard à livrer l’ouvrage.

La Cour d’appel a réaffirmé qu’Asphalte Desjardins n’est pas responsable des dommages découlant de l’effondrement partiel du talus. Cette perte découle de la capacité portante insuffisante du sol sur lequel Asphalte Desjardins devait construire le talus et que lui fournissait la Ville. Asphalte Desjardins n’avait aucune obligation de vérifier cette capacité. Rien ne permet de conclure qu’elle n’a pas réalisé les travaux conformément aux plans et devis. Si elle n’a pas achevé l’ouvrage, c’est en raison de l’effondrement de l’ouvrage et de la suspension des travaux par la Ville. Elle n’est pas non plus responsable du retard à livrer l’ouvrage. En outre, c’est à bon droit que la juge a condamné la Ville à payer le solde contractuel dû à Asphalte Desjardins.

Cependant, la cour d’appel a révisé les dommages accordés en première instance suivant la responsabilité reconnue à Dessau.  La Ville avait l’obligation de réduire ses dommages, mais elle n’avait pas l’obligation de renforcer les sols ni celle de supporter des coûts additionnels importants. Avant d’entreprendre la construction de l’ouvrage, elle avait fait vérifier la capacité portante des sols par Dessau. Elle pouvait se fier à l’opinion de celle-ci. De plus, puisque Dessau refusait d’assumer sa responsabilité, la Ville pouvait choisir d’abandonner le projet plutôt que d’engager des coûts excessifs. Elle est en droit d’être remboursée de l’intégralité des dépenses qu’elle a fait pour concevoir et construire le talus, lesquelles s’élèvent à 1 846 933 $, et pas seulement les dommages découlant de la portion du talus effondré.

Quant à la responsabilité des cautions, les cautionnements ne permettaient que de terminer les travaux, ce que la Ville refusait puisqu’elle ignorait si les travaux étaient réalisables sans réhabilitation du sol.  Le tribunal a réitéré leur absence de responsabilité.

Il est à noter que la décision rendue par la Cour d’appel n’est pas unanime.  La Juge Marcotte n’est pas d’accord avec la valeur des dommages accordés à la Ville.  Les dommages auraient dû se limiter à la portion du talus qui s’est effondré puisque la perte de l’ouvrage est partielle.

Finalement, la réclamation de la Ville contre Asphalte Desjardins et Dessau pour les retards dans l’exécution a été refusée par le tribunal.  C’est la ville qui a suspendu les travaux.  Elle ne peut imposer des frais de retard dans l’exécution.

[1]  Ville de Lorraine c. AXA Assurances inc., 2020 QCCA 1086

 

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