Les paroles s’envolent, les écrits restent.
Dans une affaire qui opposait un entrepreneur général en construction et une cliente qui avait requis ses services aux fins de la construction d’une résidence et d’une usine d’embouteillage de vin, l’entrepreneur poursuivait sa cliente pour un solde monétaire impayé.
Il faut savoir qu’au cours d’une même journée, il y a eu la signature de deux ententes écrites successives entre les parties visant la résidence, d’où le litige quant à l’identification du contrat devant régir la relation entre les parties.
De plus, considérant l’allégation d’un contrat verbal à coût majoré concernant l’usine, la partie adverse, en plus d’en nier l’existence, a tenté de rendre invraisemblable la cohérence de la facturation et de remettre en cause le montant global payé pour la résidence et l’usine.
Chaque partie prétendait à un contrat applicable, soit un contrat à forfait du côté du client versus un contrat à coût majoré du côté de l’entrepreneur.
Dans ce contexte factuel, trois (3) questions en litige ont été débattues devant le tribunal sur le fond[1], soit les suivantes :
a) Quel contrat est applicable? ;
b) Ce contrat a-t-il été résilié lors de la remise des clés au propriétaire? ;
c) Quel est le montant d’argent dû à l’entrepreneur, le cas échéant?
D’emblée, il faut savoir que le tribunal a conclu que le contrat à coût majoré allégué par l’entrepreneur était le contrat applicable, que celui-ci n’avait pas été résilié et qu’un solde contractuel était dû.
Pour les fins de la présente chronique, nous analyserons uniquement la question a) ci-dessus, le tout afin d’en tirer des recommandations utiles pour tout entrepreneur.
Quant à la question de savoir quel est le bon contrat applicable, il s’agissait essentiellement d’un débat de crédibilité entre des versions contradictoires sur la chronologie des faits d’heure en heure, afin de déterminer lequel des deux (2) contrats avait été signé en dernier lors de la journée fatidique du 24 août 2018.
Or, avant même de pouvoir trancher cette question de fond en fonction de la crédibilité de la preuve testimoniale, le tribunal a dû trancher une objection du procureur de la cliente basée sur l’article 2861 C.c.Q.
Le procureur s’objectait au témoignage du constructeur concernant l’existence d’une contre-lettre verbale, soit un contrat à coût majoré de 10 % pour la construction de l’usine, en se basant sur l’article 2861 C.c.Q. qui stipule essentiellement qu’il est illégal de contredire un acte juridique sans commencement de preuve.
En effet, le procureur de la cliente avait, au tout début de l’audience, mis en preuve un contrat écrit qu’il prétendait être le contrat à forfait visant notamment l’usine, d’où son objection précédente à toute preuve testimoniale visant à prouver une contre-lettre verbale attestant d’un contrat à coût majoré pour l’usine.
Si son objection était retenue, il en découlait alors que toute la preuve testimoniale portant sur les factures visant l’usine aurait pu être écartée, engendrant donc la perte d’une réclamation substantielle pour l’entrepreneur.
En l’espèce, le tribunal a toutefois rejeté cette objection pour trois (3) motifs, soit les suivants[2] :
a) La cliente n’a pas contesté l’inscription d’une hypothèque légale de la construction correspondant au montant de la contre-lettre verbale alléguée par l’entrepreneur pour l’usine;
b) Le procureur de la cliente ne s’est pas objecté en temps utile au témoignage du constructeur sur l’existence d’une entente verbale à coût majoré plus 10 % concernant l’usine;
c) Le représentant de la cliente avait lui-même évoqué l’existence d’un contrat à coût majoré plus 10% visant la résidence dans son témoignage, rendant ainsi plausible l’existence d’un tel contrat pour l’usine également;
Par la suite, en évaluant la crédibilité des témoignages, le tribunal a donné raison à l’entrepreneur, a conclu à l’existence d’un contrat à coût majoré visant tant la résidence que la construction de l’usine (contrat D-1), et ce malgré que la cliente de l’entrepreneur ait tenté de semer la confusion en soulevant de soi-disant incongruités dans la comptabilité interne et les factures émises par l’entreprise de construction.
Bien que l’issue ait été favorable à l’entrepreneur, il demeure que ce dernier a fait face à de sérieux débats d’objections[3]. Afin d’éviter ce genre de débats d’objections et d’éviter d’ouvrir la porte à une partie adverse de jeter le discrédit sur l’existence d’un contrat, voici nos principales recommandations utiles pour tout entrepreneur :
a) Toujours convenir par écrit de tout contrat avec un client en consignant la date et l’heure du contrat signé par les parties (par opposition à de simples ententes verbales).
b) Convenir par écrit de tout extra convenu avec le client dans le cadre d’un contrat et conserver le tout;
c) Établir et conserver des factures et états de compte qui s’harmonisent parfaitement avec le contrat établi et les extra convenus dans le cadre d’un contrat, le cas échéant.
En somme, nos recommandations précédentes dérivent tant des objections à la preuve qui ont été formulées dans le présent dossier, que de l’adage connu suivant : les paroles s’envolent, les écrits restent.
[1] 9325-8382 Québec inc. c. Constructions Tremblay et Laplante inc., 2025 QCCS 3302 (CanLII), https://canlii.ca/t/kff5q, au par.7 du jugement
[2] Ibid, au par.11 du jugement (lequel jugement est présentement en appel).
[3] En plus du fait que cette affaire soit présentement en appel notamment concernant les objections à la preuve
Crochetière, Pétrin offre des services juridiques complets et de qualité supérieure en
droit de la construction et de l'immobilier.
Dans une affaire qui opposait un entrepreneur général en construction et une cliente qui avait requis ses services aux fins de la construction d’une résidence et d’une usine d’embouteillage de vin, l’entrepreneur poursuivait sa cliente pour un solde monétaire impayé.
Il faut savoir qu’au cours d’une même journée, il y a eu la signature de deux ententes écrites successives entre les parties visant la résidence, d’où le litige quant à l’identification du contrat devant régir la relation entre les parties.
De plus, considérant l’allégation d’un contrat verbal à coût majoré concernant l’usine, la partie adverse, en plus d’en nier l’existence, a tenté de rendre invraisemblable la cohérence de la facturation et de remettre en cause le montant global payé pour la résidence et l’usine.
Chaque partie prétendait à un contrat applicable, soit un contrat à forfait du côté du client versus un contrat à coût majoré du côté de l’entrepreneur.
Dans ce contexte factuel, trois (3) questions en litige ont été débattues devant le tribunal sur le fond[1], soit les suivantes :
a) Quel contrat est applicable? ;
b) Ce contrat a-t-il été résilié lors de la remise des clés au propriétaire? ;
c) Quel est le montant d’argent dû à l’entrepreneur, le cas échéant?
D’emblée, il faut savoir que le tribunal a conclu que le contrat à coût majoré allégué par l’entrepreneur était le contrat applicable, que celui-ci n’avait pas été résilié et qu’un solde contractuel était dû.
Pour les fins de la présente chronique, nous analyserons uniquement la question a) ci-dessus, le tout afin d’en tirer des recommandations utiles pour tout entrepreneur.
Quant à la question de savoir quel est le bon contrat applicable, il s’agissait essentiellement d’un débat de crédibilité entre des versions contradictoires sur la chronologie des faits d’heure en heure, afin de déterminer lequel des deux (2) contrats avait été signé en dernier lors de la journée fatidique du 24 août 2018.
Or, avant même de pouvoir trancher cette question de fond en fonction de la crédibilité de la preuve testimoniale, le tribunal a dû trancher une objection du procureur de la cliente basée sur l’article 2861 C.c.Q.
Le procureur s’objectait au témoignage du constructeur concernant l’existence d’une contre-lettre verbale, soit un contrat à coût majoré de 10 % pour la construction de l’usine, en se basant sur l’article 2861 C.c.Q. qui stipule essentiellement qu’il est illégal de contredire un acte juridique sans commencement de preuve.
En effet, le procureur de la cliente avait, au tout début de l’audience, mis en preuve un contrat écrit qu’il prétendait être le contrat à forfait visant notamment l’usine, d’où son objection précédente à toute preuve testimoniale visant à prouver une contre-lettre verbale attestant d’un contrat à coût majoré pour l’usine.
Si son objection était retenue, il en découlait alors que toute la preuve testimoniale portant sur les factures visant l’usine aurait pu être écartée, engendrant donc la perte d’une réclamation substantielle pour l’entrepreneur.
En l’espèce, le tribunal a toutefois rejeté cette objection pour trois (3) motifs, soit les suivants[2] :
a) La cliente n’a pas contesté l’inscription d’une hypothèque légale de la construction correspondant au montant de la contre-lettre verbale alléguée par l’entrepreneur pour l’usine;
b) Le procureur de la cliente ne s’est pas objecté en temps utile au témoignage du constructeur sur l’existence d’une entente verbale à coût majoré plus 10 % concernant l’usine;
c) Le représentant de la cliente avait lui-même évoqué l’existence d’un contrat à coût majoré plus 10% visant la résidence dans son témoignage, rendant ainsi plausible l’existence d’un tel contrat pour l’usine également;
Par la suite, en évaluant la crédibilité des témoignages, le tribunal a donné raison à l’entrepreneur, a conclu à l’existence d’un contrat à coût majoré visant tant la résidence que la construction de l’usine (contrat D-1), et ce malgré que la cliente de l’entrepreneur ait tenté de semer la confusion en soulevant de soi-disant incongruités dans la comptabilité interne et les factures émises par l’entreprise de construction.
Bien que l’issue ait été favorable à l’entrepreneur, il demeure que ce dernier a fait face à de sérieux débats d’objections[3]. Afin d’éviter ce genre de débats d’objections et d’éviter d’ouvrir la porte à une partie adverse de jeter le discrédit sur l’existence d’un contrat, voici nos principales recommandations utiles pour tout entrepreneur :
a) Toujours convenir par écrit de tout contrat avec un client en consignant la date et l’heure du contrat signé par les parties (par opposition à de simples ententes verbales).
b) Convenir par écrit de tout extra convenu avec le client dans le cadre d’un contrat et conserver le tout;
c) Établir et conserver des factures et états de compte qui s’harmonisent parfaitement avec le contrat établi et les extra convenus dans le cadre d’un contrat, le cas échéant.
En somme, nos recommandations précédentes dérivent tant des objections à la preuve qui ont été formulées dans le présent dossier, que de l’adage connu suivant : les paroles s’envolent, les écrits restent.
[1] 9325-8382 Québec inc. c. Constructions Tremblay et Laplante inc., 2025 QCCS 3302 (CanLII), https://canlii.ca/t/kff5q, au par.7 du jugement
[2] Ibid, au par.11 du jugement (lequel jugement est présentement en appel).
[3] En plus du fait que cette affaire soit présentement en appel notamment concernant les objections à la preuve
Crochetière, Pétrin offre des services juridiques complets et de qualité supérieure en droit de la construction et de l'immobilier.