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13 février 2013 Vol. 7 No. 30

Éric contre Lola : dernier acte ou avant-dernier acte?

Auteur : L'équipe

Rarement une cause judiciaire, autre que de nature criminelle, aura suscité autant de discussions dans les chaumières que le dossier Éric c. Lola.

Si les sommes impliquées dans ce dossier ne peuvent concerner que quelques québécois, vu les valeurs faramineuses  en cause, il n’en est pas de même des principes impliqués qui peuvent affecter plus d’un million de québécois vivant en union de fait.

Ce dossier vient de connaître son aboutissement judiciaire par le jugement prononcé par la Cour suprême du Canada, onze ans après le début des procédures.

Lola ayant vécu en union de fait avec Éric et ayant eu trois enfants avec lui, demandait à la cour de déclarer que les dispositions du Code civil du Québec qui prévoient qu’une pension alimentaire pour conjoint(e), que les règles du patrimoine familial et que le régime légal de la société d’acquêts ne s’appliquent qu’entre personnes mariées, soient déclarées discriminatoires en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

Bref, pour dire les choses plus simplement, Lola demandait que toutes les règles d’importance concernant la pension alimentaire pour conjoints et le partage des actifs, entre personnes mariées, s’appliquent également pour les conjoints de fait.

Le jugement de la Cour supérieure avait rejeté toutes les prétentions de Lola et avait donc maintenu les distinctions prévues par la loi entre les gens mariés et les conjoints de fait.

La Cour d’appel du Québec a infirmé partiellement ce jugement en jugeant qu’en ce qui concerne seulement la question de pension alimentaire entre conjoints, la loi était discriminatoire à l’encontre des conjoints de fait et qu’en conséquence, ceux-ci devaient avoir droit de réclamer une pension alimentaire pour eux-mêmes.

La Cour suprême avait à trancher  sur tous les éléments ( pension alimentaire, patrimoine familial et société d’acquêts).

Sans faire l’exégèse des opinions rendues par les différents juges de la Cour suprême – ce jugement compte 279 pages -, notons que ce jugement qui maintient la constitutionnalité des dispositions concernées du Code civil, n’aurait pu être plus serré quant au résultat.

Ce résultat fait en sorte que les dispositions de la loi n’ont pas été jugées inconstitutionnelles et que les distinctions entre gens mariés et conjoints de fait demeurent.

À entendre les réactions de plusieurs, c’est comme si ce jugement avait enlevé des droits aux conjoints de fait. Or, ce n’est pas le cas. Ce jugement a plutôt refusé de donner de nouveaux droits aux conjoints de fait et ne leur a rien enlevé de ce qu’ils possédaient déjà.

Ce jugement respecte donc la volonté clairement exprimée et réitérée à plusieurs reprises par le législateur québécois de ne pas marier, malgré eux, plus d’un million de citoyens.

Le procureur général du Québec plaidant pour le gouvernement a affirmé clairement que le législateur québécois avait fait un choix de société, soit celui de permettre aux gens de se marier, de s’unir civilement ou de vivre en union de fait.

Pour les gens qui ne veulent rien savoir d’un mariage pour quelque raison que ce soit, ils peuvent s’unir civilement. Dans ce cas, ils bénéficient en tous points des mêmes droits et sont soumis aux mêmes obligations que les gens mariés.

Si la Cour suprême avait jugé autrement, elle aurait fait fi des choix exercés par l’Assemblée nationale du Québec au fil des trente à quarante dernières années.

Plusieurs auraient souhaité que la Cour marie , sans qu’ils l’aient choisi, 1,2 million de québécois. Il s’en trouve tout autant pour réclamer depuis des années que la loi québécoise soit modifiée en ce sens.

Dès que le jugement de la Cour suprême a été connu, le ministre de la justice a mentionné qu’il était ouvert à étudier la possibilité d’un changement législatif.

Était-ce une déclaration strictement politique, pour plaire à beaucoup d’électeurs et électrices qui souhaitent un changement ou l’expression d’une réelle volonté de changement?

Si la loi actuelle devait être modifiée pour prévoir par exemple, qu’après un an, deux ans ou trois ans de vie commune, les conjoints ont les mêmes droits et obligations que les gens mariés, les gens qui, pour quelque raison que ce soit, désirent ne pas être soumis à ces droits et obligations, n’auront plus qu’un seul choix s’ils désirent tout de même vivre en couple, soit celui de conserver chacun leur lieu d’habitation.

Est-ce cette situation que l’on veut?

À ceux qui affirment que la plupart des gens ne connaissent pas  la différence juridique entre être mariés et vivre en union de fait, on peut leur répondre que si c’était vrai pour plusieurs auparavant, avec la médiatisation de ce dossier, ce ne sera plus le cas.

Et à ceux qui prônent ce « mariage obligatoire », disant défendre ainsi des femmes en situation de vulnérabilité, je suis porté à leur dire qu’avec les taux de décrochage scolaire des garçons que nous connaissons depuis plusieurs années et le taux actuel et prévisible pour le futur de diplomation universitaire des femmes, rien n’est moins certain qu’à long terme, ce soit la cause des femmes qui soit ainsi défendue!


À lire, prochain Partenaires :

La voracité des municipalités a-t-elle une fin ?

par Serge Crochetière


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On est orgueilleux quand on a quelque chose à perdre, et humble quand on a quelque chose à gagner.

[Henry James]

Crochetière, Pétrin offre des services juridiques complets et de qualité supérieure en droit de la construction et de l'immobilier.

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