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28 septembre 2011 Vol. 6 No. 72

Cautionnement main-d’oeuvre et matériaux : Premier arrivé, premier servi !

Auteur : L'équipe

Vous êtes engagé à titre de sous-traitant pour des travaux de construction d’envergure. L’entrepreneur général, afin d’assurer le paiement de ses sous-traitants, a souscrit un cautionnement main–d’œuvre et matériaux. Qu’arrive-t-il si l’entrepreneur général fait faillite et que les sommes réclamées par les sous-traitants sont supérieures au montant du cautionnement ? Vous croyez pouvoir être payé au prorata de votre créance….N’en soyez pas si certain !

Dans un récent jugement de la Cour du Québec[1],  Brunet, un fournisseur de matériaux détient une créance de 21 003,50$. Pour assurer le paiement de la main d’œuvre et des matériaux, l’entrepreneur général avait souscrit un cautionnement  jusqu’à concurrence de 440 124$ auprès de Jevco (assureur).

N’étant plus en mesure de payer ses sous-traitants, l’entrepreneur général fait cession de ses biens, laissant derrière lui des sous-traitants impayés pour une valeur de 718 895, 64$. Parmi l’ensemble des réclamations, seule celle de Brunet n’est pas contestée par Jevco.

Bien que l’assureur reconnaisse la validité de la créance de Brunet, il refuse de l’indemniser puisque la totalité des montants réclamés par les sous-traitants est supérieure au montant de cautionnement. Jevco offre donc à Brunet de le payer au prorata, soit une somme de 12 858, 81$. Il ajoute de plus que dans l’éventualité où certaines des réclamations des autres sous-entrepreneurs seraient  jugées inadmissibles, il réajusterait le montant à verser à Brunet.

Brunet invoque avoir une dette liquide et exigible et exige d’être payé immédiatement et prétend de ne pas avoir à attendre le sort des autres réclamations.

Bien que le paiement au prorata semble être une méthode assez fréquente lorsque les créances déclarées surpassent les montants du cautionnement, la Cour refuse de reconnaître cette pratique. Selon elle, si la compagnie d’assurance tient absolument à ce que la règle du paiement au prorata s’applique, elle n’a qu’à inclure une clause à cet effet dans ses contrats.  Conclusion : la Cour ordonne à Jevco de payer immédiatement Brunet la totalité de sa réclamation.

Concrètement ce jugement n’a pas eu d’impact significatif pour les autres créanciers étant donné la valeur peu significative de la créance de Brunet sur le montant total garanti. Cependant que serait-il arrivé si la créance de Brunet avait été de plus grande importance, couvrant la totalité du montant garanti? Aurait-elle été payée en totalité laissant les autres créanciers sans autres recours ?

Suite à ce jugement, peut-on envisager qu’afin d’éviter de telles situations les compagnies d’assurance contesteront systématiquement toute les réclamations afin de s’assurer de traiter chaque sous-traitant de la même façon ?

Une telle décision ne donne-t-elle pas ouverture à la possibilité de paiement préférentiel; la compagnie de cautionnement n’ayant qu’à contester les réclamations de certains sous-traitants afin de payer en totalité un sous-traitant qu’elle privilégie?

Devant cette incertitude, il sera intéressant de voir de quelle façon réagiront les compagnies d’assurance. Cependant, ne soyez pas étonné si dans vos prochains contrats la clause de cautionnement main d’œuvre et matériaux est amendée afin de prévoir un paiement au prorata. D’ici là, soyez vigilant et surtout rapide au moment de faire vos réclamations, car pour le moment le premier créancier reconnu sera le premier payé !


 

[1] Distribution Brunet inc. c. Compagnie d’assurances Jevco, 2011 QCCQ 8444.

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À lire, prochain Partenaires :

La servitude du tour d’échelle : on fait le point

Par Michel Seméteys
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La Bourse je m’en fous, j’ai choisi la vie.

[Guy Bedos]

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